Putain de merde. Tu t'attendais pas à ça. Peut-être que t'aurais dû, en vérité, parce que d'un seul coup, tu comprends les paroles de Ciel. Tu comprends son inquiétude, et t'en sais foutre rien si c'était lié, mais il avait raison sur la finalité. T'as pas cherché à comprendre plus que ça, quand le gamin a crié de fuir, t'as pris tes jambes à ton cou, comme un bon nombre de personnes, et t'es allé dans le premier endroit auquel t'as pensé ; clairement pas le meilleur, tu le réalises rapidement, mais trop tard, t'y es.

Et t'es pas seul.

Tu exhales un soupir soulagé en reconnaissant aussitôt Cléora, et même si t'as aucunement envie de jouer ton supposé rôle auprès d'elle, comme tu le faisais pourtant à chaque fois que tu la croisais, là tu t'armes de courage pour l'aborder, parce que la situation te hurle de le faire. Comme si t'allais l'abandonner là. Tu sais foutrement pas ce qu'il se passe, mais tu peux sentir que le danger rode dans le coin, et ça te prend aux tripes avec force.

Cléora !! Tu vas bien ? T'es pas blessée ?

T'as l'inquiétude plein les mirettes, et ça n'a rien d'un simulacre, t'es sincèrement inquiet pour elle. Qu'elle t'insupporte ou non, ce n'est absolument pas une personne pour qui tu souhaiterais du mal.

T'arrives en quelques enjambées à sa hauteur et tu constates qu'en effet, elle n'a pas l'air blessé. Apeuré, en revanche, semble être un euphémisme à ce moment-là. Tu déglutis, les mains sur les hanches, à te questionner sur la situation, sur la marche à suivre, à démêler ce beau bordel. Tu t'indignes même pas quand elle s'approche un peu trop de toi, la pensée ne t'effleurant pas, et tu l'entoures doucement d'un bras protecteur, lui frictionnant le bras dans un effort de la réconforter.

J'en sais putain de rien... C'est peut-être qu'une bonne blague d'Halloween, on en sait rien. Mais au cas où, restons prudent.

Tu t'éloignes à peine d'elle, un maigre pas en arrière, t'offrant la possibilité de te défaire de ton espèce de veston en fausse fourrure, et tu lui poses ça sur les épaules parce qu'elle en aura sûrement plus d'utilité que toi dont le corps est toujours chaud. Et même si t'es plutôt impulsif en temps normal, ça c'est le type de situation où t'es tout l'inverse, malgré l'angoisse qui te bouffe l'estomac, tu restes calme. Impassible. Ça en fera au moins un sur deux.

J'le sens pas cet endroit. Bouge pas de là, j'vais vérifier qu'on est bel et bien seul. T'hurles au besoin.

Et tu commences à t'éloigner, mais en vrai tu préférerais sans doute qu'elle t'accompagne ; pas parce que t'as peur, mais parce que ça te semble être une mauvaise idée de se séparer, de la laisser seule.

Tu te retiens, plutôt difficilement, de lui faire remarquer que ce n'est pas un film. Là, il y a du vrai sang, t'en as remarqué plusieurs traces sur le chemin de la piscine, et après avoir vu le jeune blond - Ran, que tu te rappelles, t'es plus sûr de rien. Tu pousses juste un soupir et te mets à avancer dans le noir, tes yeux s'y habituant petit à petit, et t'es bien soulagé que ce soit avant d'avoir malencontreusement mis un pied dans l'eau. Tu marches ainsi le long du bord de la piscine, étonné de ne voir aucune lumière dans son fond, te demandant jusqu'où touche cette coupure de courant.

Tes pas s'arrêtent un instant, quand Cléora te parle et te fait une proposition que tu considères un temps, avant de secouer un peu la tête - et t'es pas sûr qu'elle puisse le voir, malgré sa proximité. Machinalement, tu tends la main pour attraper la sienne que tu serres entre tes doigts, à la fois pour la rassurer et pour être sûr de sa présence, qu'elle ne s'éloigne pas de toi et se perde dans le noir.

C'est une idée, mais on risque d'alerter tout l'campus vu comment ça résonne ici. Est-ce que tu te souviens de la forme des portes, des poignées ? Selon, y'a différent moyen de les bloquer, et on doit pouvoir trouver ce dont on a besoin ici...

T'es certain qu'elle connait l'endroit, étant donné qu'elle y passe ses journées, à croire que c'est ici qu'elle vit. Mais pour l'avoir rencontré dans sa chambre, tu sais que ce n'est pas le cas. Et tu t'accroches à des détails sans importance pour échapper à l'angoisse, loin d'être serein dans cet endroit fermé.

Tu notes mentalement ce qu'elle te dit, visualisant les portes et cherchant aussitôt différents moyens de les faire tenir, closes. Mais, au cas où, tu préférerais tout de même qu'elles ne soient pas trop difficiles à ouvrir pour vous qui êtes à l'intérieur, si jamais quelque chose se trouvait dans le bâtiment et que vous vous retrouviez bêtement pris dans votre propre piège. Tsk. Tu te mords la lèvre et la suis sans rien dire de plus, tes méninges tournant à toute allure, et t'es clairement pas fait pour faire plusieurs choses en même temps ; réfléchir et marcher en même temps, c'est ta limite.

C'est foutrement calme...

Ce silence se fait beaucoup trop pesant à ton goût. Étrange, aussi. Tout le monde a dû fuir le gymnase, à l'heure qu'il est ; seulement, ça ne te rassure en rien, et t'aurais presque préféré entendre un cri, au loin. N'importe quoi pour t'informer de la situation. Au lieu de ça, il n'y a que cet espèce de calme avant la tempête, cette obscurité intense, et un tas de questions sans réponse. Ça ne te plait décidément pas. T'as les nerfs à fleur de peau.

'Doit y avoir de quoi se défendre un minimum, aussi. Tu saurais pas où est rangé tout l'bordel de nettoyage ? Tu sais, genre, les serpillières, les balais, c'merdier...

Tu te débrouillerais bien à trouver tout ça par toi-même, mais non seulement tu n'y vois rien, mais tu ne connais pas l'endroit contrairement à Cléora qui se déplace si aisément, même privée de sa vue des lieux. Alors tu t'en remets à elle, quand bien même l'idée te déplaît, de compter sur quelqu'un d'autre que toi-même.

Lorsque la porte refuse de céder à vos besoins, t'as clairement envie de frapper un truc, mais tu te retiens de justesse à taper contre le mur. Rester discret, c'est primordial, dans l'état actuel des choses. Les dents serrées, tu réfléchis à autre chose qui pourrait vous aider, mais finalement tout ce qu'il te vient à l'esprit, c'est que vous feriez mieux de partir d'ici. Cléora s'y sent peut-être comme chez elle, mais c'est loin d'être ton cas, et si vous ne trouvez rien pour vous défendre, ni même fermer les portes et vous créer un abri... C'est qu'il est préférable de s'éloigner.

Ils laissent les clefs ici, non ? On va voir si on les trouve, et si on les trouve pas... On s'casse. Ok ?

Tu lui laisses pas vraiment le temps de répondre, l'agacement prenant une grande place à l'intérieur de toi, et mêlé avec tout le reste, ça fait juste un rendu mauvais. Explosif. Tu la tires derrière toi, une main devant pour t'éviter un mur et tu rebrousses chemin, revenant sur vos pas aussi précisément que possible, jusqu'à ce que la lumière blafarde, au loin, ne t'indique l'endroit où tu veux te diriger. Ces satanées portes que t'aimerais pouvoir garder closes, sans aucun moyen pour y parvenir. T'as presque envie de déchirer ton haut pour enrouler le tissu autour des poignées, mais ça tiendrait pas. Quelques minutes, tout au plus, si vous êtes chanceux.

T'avances vers la porte, te disant que l'accueil, là où devrait se trouver les clefs, doit être juste à côté en toute logique. Seulement, tu t'arrêtes si brusquement que Cléo s'est sans doute cognée contre toi, parce que tu vois une silhouette qui traîne pas loin de la porte. Tu ressers ta prise sur sa main, prêt à courir au besoin, à la balancer à l'eau pour lui éviter de croiser un psychopathe. Sauf qu'une autre silhouette s'ajoute et, celle-là, tu la reconnaîtrais entre mille, malgré l'étrange accoutrement du jour. Tu mets un pied devant l'autre, comme hypnotisé par cette vue, et tu en lâcherais presque Cléora, mais tu te reprends avant et tu la tires avec toi.

Ciel.. !

Quand sa voix te parvient, t'es empli d'un soulagement terrible qui te fait presque chanceler. Si Cléora n'était pas là, que tu n'avais pas à veiller sur elle et lui tenir la main, tu te serais sans doute jeté sur Ciel, à l'enlacer jusqu'à l'étouffement. Mais tu peux pas, juste lâcher les autres et te concentrer sur lui, alors tu te rapproches juste autant de possible. Tu considères aussi la jeune fille, qui te paraît si chétive et minuscule, une porcelaine qui se briserait au moindre choc. Est-ce qu'ils se connaissent, tous les deux ? T'en sais rien, mais son prénom ne sort d'aucune bouche, alors t'en doutes un instant. Quelque part, t'es content qu'elle soit là, parce que tu le sais d'un regard qu'elle aurait fait une victime idéale. Là, tu peux la garder sous ton aile, comme les deux autres, et c'est mieux. T'es plus serein, malgré la responsabilité qui te tombe sur les épaules ; t'as de la chance qu'elles soient solides.

En revanche, ce qu'il vient ensuite, t'y étais pas préparé. Aucun de vous ne l'était. T'es le premier à constater l'étendue des dégâts, le spectacle s'offrant directement à toi, et t'en perds tes mots, ta mâchoire s'en écraserait presque au sol. T'es tellement ravi, à cet instant, d'avoir la main de Ciel dans la tienne. Tu la serres, celle de Cléora aussi, et t'es bien triste de ne pas avoir un troisième bras pour pouvoir offrir du réconfort à la jeune fille, celle qui dès qu'elle voit à son tour les personnes par dizaine à joncher le sol se met à pleurer silencieusement. C'est une vue qui te met particulièrement mal-à-l'aise, et t'es presque soulagé quand elle vient s'accrocher à Cléora. Presque. Parce que c'est à son tour de réagir à cette vue horrifique, et elle file à toute allure, fuyant cette scène cauchemardesque, sa main glissant d'entre tes doigts. Tu grognes en te tournant vers elle, mais tu te retiens de crier après les deux filles. Tu comprends leurs réactions, et faire plus de bruit ne vous serait que problématique.

.. J'suis pas sûr que ce soit une bonne idée, de retourner au gymnase. Y'a sûrement peu de chances que Ran soit -

Tu t'interromps, perdant la volonté de terminer ta phrase, et tu fronces les sourcils. Pour commencer, calmer les deux filles te semblent être une priorité dans cette situation alors, après un regard à Ciel, tu le tires à ta suite pour les rejoindre au bord de l'eau. Tu soupires. Tu sais pas quoi leur dire, ça n'a jamais été ton fort, de réconforter, de motiver les troupes. Mais t'es bien décidé à faire de ton mieux ; parce que la situation n'a l'air que de s'empirer et si tu veux les garder tous les trois en vie, il faut bien qu'ils soient capable d'avancer.

On ne peut pas rester là, les filles. La lumière est revenue, alors profitons-en. Reprenons là où nous en étions, ok ? On était en train de chercher les clefs du local de ménage, pour y trouver quelque chose qui pourrait nous aider, comme des... armes. Si on s'équipe, on aura moins de problème pour retourner au gymnase et trouver Ran.

T'as l'air serein, la mine impassible, le souffle stable. Et même si, par tu ne sais quel miracle, ton cœur bat à un rythme régulier, intérieurement tu n'es qu'une boule de nerf, prêt à exploser à n'importe quel instant. T'as les muscles tendus et t'essaies de pas écraser la main de Ciel entre tes doigts, plutôt difficilement. Tu le regardes, quand il te parle, et ne te rassure pas du tout, bien au contraire. Il ne fait que confirmer tes soupçons.

Moi non plus, j'le sens pas. (Tu soupires.) J'comptais me casser, mais Cléora...

Tes yeux se baissent sur elle, qui vient de glisser ses pieds dans l'eau, et t'as l'étrange impression qu'elle se jette droit dans la gueule du loup. Alors tu réagis aussitôt, même si ça paraît démesuré, tu t'en fiches et tu l'attrapes par son bras libre et tu la tires hors de là, la traînant sur une petite distance sur le sol. Et tu la fixes, les sourcils froncés, la mâchoire crispée. Si tu pouvais gueuler, tu l'aurais fait.

Qu'est-ce que tu fabriques ? J'sais que ça aide tes nerfs mais si on a besoin de courir d'un seul coup, tu fais comment, hein ?!

Ta main libre, l'autre toujours dans celle de Ciel, se glisse sur ton visage alors que tu inspires profondément, saccageant ensuite ta coupe, tes mèches partant dans tous les sens.

On devrait faire comme Ciel a dit. On vérifie discrètement que personne n'a besoin de nous là-bas, ensuite on avise. Et Cléo, ne songe pas une seconde à ce qu'on te laisse ici. J'te traîne par les cheveux s'il le faut, tu m'entends ?

T'as l'air sauvage, violent, mais ça n'a rien d'une méchanceté gratuite, d'un désir de la blesser ; tout l'inverse, tu ne cherches qu'à la protéger, et s'il faut forcer pour la maintenir en vie, t'hésiteras pas une seule seconde. Pour ces trois-là, t'irais jusqu'au bout.

Cléora t'agace, sur ce coup. Elle t'agace terriblement, alors que tu ne cherches qu'à la protéger. T'es pas le type le plus fin, avec un mal fou à communiquer ton ressenti, mais c'est pas le moment de prendre des pincettes. Vous avez besoin de bouger, et vite. Alors elle file, comme demandé, un peu trop vite à ton goût et vous ne pouvez que marcher derrière elle, essayer de la rattraper et éviter de la perdre. Qu'est-ce qu'elle ferait, si quelqu'un l'attrapait d'un seul coup ? Tu serais incapable de la sauver à temps, alors t'accélères le pas, t'es prêt à l'attraper et à l'engueuler une fois de plus.

Sauf que les lumières s'éteignent. C'est brusque, soudain, un véritable problème qui te fait sursauter et écarquiller les yeux, mais t'y vois rien. Tu t'étais habitué à la lumière, et là y'en a pas une seule, de retour à la case départ. Tu tends quand même la main, là où devrait se trouver Cléo, mais ta main ne se referme jamais autour de son poignet. Tu ne la trouves pas. Pensait-elle vraiment que c'était le moment de bouger ? Elle aurait dû se rapprocher, pas l'inverse.

Cléo ? (T'attends quelques secondes, mais son manque de réponse immédiat t'interpelle.) Cléora ? Où t'es ? Réponds ! Cléo ?!

Mais elle ne répond pas, ni la première fois, ni jamais. Et t'as l'angoisse qui t'attrape la gorge, la crainte qui t'arrache le coeur, l'inquiétude qui te dévore tout entier. Ta main serre celle de Ciel, que tu n'as pas lâché une seule seconde, et t'en es bien content. Lui, tu supporterais pas de ne plus l'avoir près de toi.

Ciel, tout va bien ? Amethyst ?

T'as pas la moindre idée de ce qui lui est arrivé, à Cléora. Mais tu vas pas laisser autre chose se passer. T'es énervé, inquiet, à bout. Et tu peux que ramener Ciel contre toi, t'assurer que c'est bien lui, juste là. Tu t'en rends pas compte, mais tu trembles.