« Putain, mais j’y crois pas. » Oui alors là, pas du tout hein. Vraiment. C’était bien la peine d’avoir dépenser une petite fortune – que t’avais généralement un mal de chien à amasser hein, rappelons-le – pour en arriver là. De retour à la case départ en quelques sortes. T’étais sans doute le seul foutu clochard qui avait pas d’ordinateur portable sur ce campus. Le truc, c’est que, ça commençait à devenir gênant. T’arrivais bien à en taxer un de temps en temps, pour bosser, mais quand même, ça devenait urgent que t’ai le tiens parce que mettre les pieds dans la salle informatique hanté par le bargeot à lunettes ? Merci, mais non merci. Du coup, aussi. Tu t’étais privé sur pas mal de trucs ces derniers temps, t’avais mis quelques salaires de côté, à droite et à gauche pour arriver jusqu’à une somme suffisante pour te payer un ordinateur. Pas le plus performant du marché, c’était certain, mais tu t’étais dis que ce serait mieux que rien et … et bah pas du tout. Tu l’avais acheté hier. Tu avais posé le carton dans un coin, avec l’ordinateur à l’intérieur, et tu n’avais pris le temps qu’aujourd’hui de le déballer, pour l’allumer, le brancher, tout ça. Et le problème était là. Tu avais installé la batterie, puis tu l’avais branché sur le secteur, et t’avais tenté de l’allumer … en vain. Rien. Pas de son, pas d’image, pas de lumière, que dalle. Du coup, tu avais rongé ton frein, et t’avais été patient en le laissant charger – même si c’est clair que ça puait hein – et quand t’avais retenté, tu avais eu les mêmes résultats décevants. Rien. Rien du tout.

C’est donc plus ou moins déjà bien énervé que t’avais pris ton téléphone tout cassé pour appeler le service après-vente de la boutique où tu l’avais acheté, en ville. La première fois, t’avais eu un type que t’avais eu l’air de faire chier avec tes questions, et qui semblait pas trop comprendre ce que tu lui racontais, pourtant tu jures, tu causais français. M’enfin, il avait fini par te raccrocher au nez et tu avais rappelé, quelques minutes plus tard … pour retomber sur le même abruti, qui n’avait pas manqué de te faire savoir que t’avais pas de chance, tiens, de retomber sur lui, parce qu’ils étaient cinq au service. Spoiler : t’avais pas trouvé ça drôle du tout. Et le pire ? C’est que ce con t’avais de nouveau envoyer chier, avant de te balancer que si t’étais pas content t’avais qu’à te bouger et te ramener à la boutique pour gueuler, haha, puis de te raccrocher au nez. Le problème ? C’est que du coup, t’étais bien vénère. C’est aussi que du coup, t’avais pris sa provocation pour un putain de défi, et qu’en plus, toi, les provocations, t’y réponds toujours. Du coup, ni une, ni deux, t’avais chopé le pc qui marche pas, tes clés, t’avais claquer la porte de ta chambre et tu t’étais fais engueuler par une nana au passage, à laquelle tu avais juste gueuler de fermer sa grande gueule avant de foncer sur le parking, et de finalement rouler jusqu’à la boutique. Là, t’étais entré comme un fou, et t’avais claqué le carton, avec le pc dedans sur le comptoir. « J’veux causer au connard que j’ai eu au téléphone. » Et puis, tout en soupirant tu avais ajouté. « S’il vous plait, merci. »

Dire que t’étais vénère, c’était un putain d’euphémisme. T’avais aucune patience, et t’aimais pas trop qu’on se fiche de ta poire. S’il avait été en face de toi, tu lui sans doute écraser le coin de la tronche sur un comptoir, ou un bureau, voir le mur, mais là … ce type, il avait fait le malin au téléphone. Alors forcément, il t’avait fait bouger de chez toi alors que de base, t’avais juste prévu de glander pour le reste de ta journée.

Les mains à plat sur le carton, devant toi, tu fixes le type avec un regard sombre, sévère. Rien qu’à le regarder, t’étais quasiment certain que c’était pas lui, il était littéralement en train de se décomposer face à toi, il avait pas assez de courage dans le regard pour oser envoyer chier quelqu’un, même au téléphone. D’ailleurs, il semble immédiatement savoir à qui tu as eu à faire puisque sans un mot, il s’éloigne, te gratifiant d’un signe de la main avant de faire un appel dans son micro. Un appel qui résonne dans tous le magasin. Tu soupires. Lourdement. Bordel il faisait chier. Tout te faisait chier. Le lascar du téléphone, le pc qui ne marche pas, le magasin, la météo, la vieille à côté de toi, et le connard à la télé juste au-dessus de ta face. Tout et tout le monde.

Et finalement, après quelques minutes … voilà qu’un type se pointe. Nonchalant, il vient se poser tranquillement sur son siège, en face de toi. Sa voix, tu la reconnais tout de suite. Ah, il a des couilles, y’a pas à dire. Il continue de se la jouer. Alors, tu croises les bras sur le carton et tu te penches en avant. Ah il est mignon. Vraiment. Mais c’est pas ce qui va t’empêcher de lui en mettre plein la gueule. « Je suis pas content, alors je viens t’le dire en face. » Un sourire carnassier vient prendre place sur ton visage. Faut tellement pas se mettre sur ton chemin quand t’es dans cet état-là. T’es pas bien méchant, au fond, c’est juste que t’es colérique, et que tes coups partent plutôt facilement en général. « J’aimerais pas devoir abîmer ta belle gueule. Alors … tu vas bouger ton cul pour mon affaire, oui ou non ? »

Tu te relâches. Un peu quoi.
Et puis tu recules un peu.
Et puis tu soupires lourdement. Très, lourdement. T’es déjà saoulé, c’était rapide. Le truc, c’est que tu vas pas lâcher l’affaire pour autant, tu sais, parce que cette merde coûte un bras ou deux, et que t’en as quand même un peu besoin. T’es pas du genre à te laisser faire, à te laisser marcher sur les pieds. Non. Hors de question. Alors tu le fixes. Un vrai rigolo le monsieur du sav, hein. Non mais regardes le, à moitié mort dans son siège là. A croire que tu l’emmerdes. Bon, en vrai, c’est probablement le cas mais ça, c’est pas ton problème. Ton problème de PC, tu veux qu’il soit réglé. Aujourd’hui. Maintenant. Le truc, c’est que malgré ta présence, il a pas l’air décidé. Oh, que non. « J’en ai rien à foutre. » Bon, au moins, il aura sans doute compris que tu fais pas dans la dentelle et que son discours, il te passe par-dessus la tête.

Et puis. Contre toute attente … voilà qu’il semble enfin entendre ce que tu lui racontes. Miracle. « Ah bah c’est facile, il s’allume pas. Pas du tout. » Les mains toujours sur le carton du PC, tu le pousses légèrement dans la direction du jeune homme. Il pouvait bien vérifier par lui-même s’il en avait le temps, ou l’envie. Ça fonctionnait pas, c’était tout ce que tu savais. Et toi, t’avais besoin d’un truc qui fonctionne. « J’ai claqué pas mal de fric dans ce machin. J’m’en cogne de tes réparations de mes deux. » Tu te mets à faire craquer quelques-unes de tes phalanges. C’est pas menaçants, non, c’est juste une habitude quand t’es énervé. « Je veux un PC qui fonctionne. Point. Tu te démerdes comme tu veux. »