« Tu devrais pas exister. Y’a rien à conserver chez toi. » Dix minutes qu’elle te pompait l’air celle-là. Dix minutes, pour toi, c’était une éternité et pourtant, tu n’avais rien dis. Tu avais supporter ses remarques. Ses messes basses. Ses pics. Son humour désastreux. Elle était de ta résidence, et du même cursus. Elle faisait partie de ces gens que tu ne supportais pas, mais que tu essayais tant bien que mal d’ignorer. Tu faisais de gros efforts, promis. Tu faisais tout pour éviter d’écouter, pour éviter de voir, aussi. Tu n’étais pas aimée … c’est tout c’était comme ça. Une partie de toi le comprenait, tu implosais bien trop souvent. Tu t’étais dîtes que c’était de la peur, plus qu’autre chose. Et pourtant, elle … elle continuait. Peut-être qu’elle voulait juste faire son intéressante, après tout, t’en savais rien. Le fait est qu’elle provoquait, encore et encore. Et tu avais beau faire tous les efforts du monde pour rester la plus calme possible … à un moment, trop c’était trop. Et dire que t’étais venue pour une tentative d’aller en cours. T’aurais sans doute pas du. T’avais juste débarquée, ton café à la main, il était chaud mais sans plus, ton sac sur ton épaule et elle t’avais pris la tête. Tellement que finalement, tu lui avais envoyer ton café à la tronche. Il ne te restait plus que le gobelet … et elle venait de te balancer le fond de se pensée avant de te tourner le dos et de s’éloigner. Du coup … tu avais juste fuis dans l’autre direction, et puis, tu t’étais arrêtée pour rageusement balancer le gobelet en carton dans une poubelle. Et t’étais énervée putain. Tellement énervée maintenant que t’en avais la gorge serrée. Et t’avais personne sur qui hurler … du coup, c’est au distributeur que tu t’en étais prise. Le distributeur déjà cabossé, sur lequel t’avais envoyé ton poing. T’avais frappé de toutes tes forces, avant de reculer, en tenant ta main dans l’autre. Alors ça, ça faisait mal sérieux.

Et le contrôle de soi-même, Amy ? Oublié, hein ? Ouais. C’est pas étonnant. C’était de sa faute à cette fille, là. Pourquoi fallait toujours qu’on te torture ? Qu’on joue avec toi, avec tes nerfs, avec ton caractère comme si t’étais … un automate ? C’était si drôle que ça, de te pousser hors des limites, de t’observer hurler, et mettre toute ton énergie dans ta colère ? Putain … Tu sers les dents. Tu relèves les yeux vers le distributeur, et puis, tu baisses ton regard légèrement humide sur ta main. Y’a une légère coupure, ça saigne un peu. T’as un peu de mal à déplier les doigts et t’as l’impression que déjà, à tourne au bleu. Ça fait mal. Tellement mal qu’une larme à rouler sur ta joue, malgré toi.

Tu sursautes, quand tu sens des mains se poser sur tes épaules. Et puis, finalement, tu te figes lorsque cette voix, très familière vient chatouiller tes oreilles. Manquait plus que ça. Tu marques un temps de pause, tu essaies d’analyser son ton. Pas d’animosité. Pas de colère ? Pourtant, tu as encore en tête votre dernier échange. C’était encore très frais. Fraîchement douloureux, en fait. Mais là … rien, absolument rien. Alors tu oses te retourner. Tu ne bouges pas d’un pouce, tu te contentes de tourner la tête pour le regarder et … et il te sourit ? Et toi, tu ouvres de grands yeux parce que … parce que c’est vraiment bizarre ? Est-ce que c’était un moyen de faire l’impasse ? De te passer un message du genre « on en parle plus » ? Tu observes son sourire. Tu te souviens du marché. Il sourit, tu souris et pourtant, là, maintenant, t’es totalement incapable de sourire. Et quand t’essaies, c’est pire alors, tu arrêtes aussitôt. Tu abandonnes, et tu reposes tes yeux sur ta main. Est-ce que tu avais envie qu’il t’accompagne là-bas ? … « Pourquoi pas … » Tu avales difficilement ta salive. Au fond, peut-être que tu devrais fuir, hein. Tu avais fait assez de mal comme ça. « Je vous l’avez bien dit … que je pouvais pas gagner contre ces machines. »

Bon, au moins tu tentes de faire un peu d’humour. Malgré la confusion, malgré la douleur. Malgré tout, en fait. Tu comprends rien, qu’on se le dise. T’es totalement perdue à l’heure actuelle, tellement perdue que tu pourrais carrément oublier ta main blessée parce que là, vraiment, c’est quand même un peu bizarre ce qui se passe. Toi qui d’ordinaire est si directe, si franche, toi qui à une sainte horreur généralement de tourner autour du pot, tu as l’impression de ne faire que ça en ce moment. C’est comme si tu marchais des œufs avec tout le monde et le pire, c’est que tu t’es mise toi-même dans cette situation, en fait.

Tu t’es remise à fixer le distributeur, comme s’il était censé se passer un truc … mais rien. Il a rien lâcher cet enfoiré et pourtant, tu es persuadée d’avoir cogner de toutes tes forces. Vraiment. Ta main abîmée pour témoin. Un soupire, et puis tu relèves la tête. T’acheter à boire. Il pensait vraiment que t’avais fait ça pour avoir une boisson, hein ? Et voilà qu’il soupire à son tour et que sa main revient se loger dans ton dos. Il te pousse légèrement en avant et tu te mets à marcher machinalement. Est-ce que ça va ? Franchement, t’en sais rien. T’es tentée de répondre oui, parce que c’est dans tes habitudes au fond. Tu te confies à personne. Tu parles de toi à personne. Mais répondre oui, c’est mentir. Ça va pas. Ça n’ira pas, non plus. Y’a rien qui va. « Non. » (au secours ptn j'ai peur.) Et tu sers les points machinalement, et évidemment ça fait super mal alors tu grimaces. Quand tu disais que ça irait pas, hein.

Tu gardes les yeux baissés tout en avançant. Tu marques une pause. Tu fais silence un instant. C’est bien beau de dire non, mais le problème quand on répond non à ce genre de question, c’est qu’on peut pas vraiment juste se contenter de ça. « Y’a pas grand-chose qui veut aller en ce moment, et je pense pas que ça soit près de s’arranger, en fait. Mais bon … » Et finalement, tu te redresses. Tu reposes les yeux sur lui, et puis … tu souris. Au fond, t’as pas envie de sourire. T’as même plutôt envie de continuer de frapper des trucs, et de hurler, tiens. Hurler sur des gens. T’as peut-être aussi envie de pleurer, mais ça, évidemment, tu le feras pas. Alors autant sourire, après tout. T’as pas envie de faire pitié. « C’est pas si grave. » Et encore un soupire. Très léger. « Et vous alors … comment ça va ? »

Au moins, on dira pas que tu fais pas d’efforts, hein. Non, parce que là, tu en fais énormément pour être honnête, et pour en même temps rester très calme, très … normale, on va dire. C’est pas simple, surtout en ce qui te concerne. Garder tes émotions pour toi, ça n’a jamais été simple de toutes façons. Du moins, d’aussi loin que tu t’en souviennes. Finalement, tu décides de réorienter la conversation. De lui renvoyer sa question presque. C’est aussi une manière pour toi de creuser, t’avais posé la question à Lacerta, mais tu savais que le mieux, c’était encore de la lui poser à lui directement, surtout tant que tu l’avais sous la main. Et sa réponse … elle te surprends. Elle te surprend tellement que tu marques une pause au milieu du couloir. Tu t’arrêtes quelques secondes pour l’observer. Pour essayer d’analyser, tu sais pas quoi, tu sais pas ce que tu cherches à déceler, mais tu essayes quoi.

Ses doigts passent dans tes cheveux. Il a déjà fait ça … mais d’une autre manière. Il ne se contente pas de tapoter ta tête, il caresse une mèche de tes cheveux et puis, voilà qu’il t’attire finalement à lui. Il te prend dans ses bras, il te soulève du sol avec une facilité relativement déconcertante, comme si … tu ne pesais réellement rien, en fait. Et ça le fait rire. Du coup, ça te fait sourire. « Vous savez que … mes jambes vont bi-… » Ouais. Il s’en fou, visiblement, puisqu’il est déjà en train de tracer à toute vitesse à travers le couloir direction l’infirmerie. Tu comprends pas tout, hein. En fait, pour faire plus simple : tu ne comprends strictement plus rien, mais t’as pas spécialement envie de gâcher encore une fois. Parce finalement, bizarrement, tu te sens bien. Et en confiance, surtout. Ce qui dans la situation actuelle est possiblement très étrange, quand même, surtout que ça le fait rire. Beaucoup rire, même. Et que du coup, tu ne peux pas réellement t’empêcher de sourire malgré la douleur, et tout le reste. Il est content de te parler à nouveau … on y croit si tu dis que sincèrement, ça éclaire ta journée ? « Moi aussi … vraiment. » Par réflexe, tu t’es accrochée à sa chemise. C’est pas que tu aies réellement peur, en fait, c’est plus qu’encore une fois, c’est vraiment comme si tu étais aussi légère que du coton. Pas que tu sois grosse, au contraire même, mais quand même … c’était quarante-sept kilos, c’était pas rien. Tu finis par relever la tête, et tu l’observes sous un angle très différent de d’habitude. T’as pas changé d’avis à son sujet … vraiment pas. « Je crois… » Non. « Non en fait. J’aime bien passer un peu de temps avec vous. »

Et tu te laisses aller à un sourire léger, et puis tu restes silencieuse. Il te sert tout contre lui, et toi, tu ne bouges pas, tu ne fais pas un geste, pas un mouvement, tu te laisses simplement porter, tant qu’à faire. Tu tournes la tête seulement lorsque tu reconnais le couloir de l’infirmerie, puis la porte dans laquelle il vient coller un bon coup de pied pour l’ouvrir. Et c’est sans surprise que l’endroit vide. Et tu soupires, parce que sérieux, à chaque fois que tu as besoin de venir ici, y’a personne et c’est vraiment problématique, et chiant aussi, à la longue. Surtout que visiblement, tu n’es pas la seule à le penser, puisque Monsieur Lurantis vient lui aussi de soupirer, tout en avançant dans la pièce pour finalement te déposer tout doucement sur un fauteuil. Étonnamment, tu ne bouges pas, et tandis qu’il semble se mettre à fouiller sur les étagères et dans les quelques placards, tu regardes ta main avec plus d’attention. C’est bleu par endroit … et ça, c’est vraiment pas bon signe. Tu t’es pas loupée, quoi, vraiment pas.

Tu relèves finalement la tête. « Non, tout me va. » En fait, vraiment là, tu voulais un truc pour la douleur parce que maintenant que la colère était passée, maintenant que tu étais un peu plus calme, la douleur semblait avoir tripler, au moins et ça faisait un mal de chien. Ça te lançait, en fait, jusqu’à te donner l’impression que tout ton bras était dans un sale état, carrément. « Mh … pas vraiment. Et c’est bleu. Je crois que c’est pas bon signe, si ? » Et tu baisses de nouveau les yeux, tu essaies de bouger, de plier les doigts, le tout en grimaçant tandis que tu l’entends se rapprocher, puis se rapprocher. Alors tu lèves la tête, et tu le fixes. Il sourit. Il tend son doigt, te montres quelque chose là, derrière toi et tu te retournes presque aussitôt mais … mais il n’y a rien. Et le vent se lève. Et les rideaux volent et … ses paroles te font tout simplement un peu froid dans le dos, si bien que tu tournes rapidement la tête pour le fixer de nouveau. « Un chat … » C’est pas une question parce, t’as juste une étrange impression de déjà-vu. Un chat. Le vent. Et les rideaux blancs. Pas la même personne, pas la même situation, mais … le constat est là. Tu es songeuse l’espace d’un instant, et puis, tu souffles légèrement. C’est rien, n’est-ce pas ? Juste une coïncidence. Après tout, la dernière fois, c’était dans la pièce juste à côté, peut-être que c’était le même chat. Peut-être qu’il y a juste un chat dans le coin. C’est rien. C’est juste … un chat. « C’est un rapide ce chat … » Deux fois qu’il échappe à ton regard dis donc. T’es condamnée à ne jamais le voir, sans doute. Enfin, peu importe.

Tu finis par sourire. Ça continue de te trotter dans la tête, mais finalement, tu te lèves et tu va regarder sur les étagères à ton tour. Tu te souviens, la dernière fois, Dahlia avait attraper les anti-douleurs sur une étagère bien précise. Alors finalement, tu lèves la main – celle qui va bien – et tu pointes du doigts une boite en plastique. « Là-haut … je suis trop petite pour l’attraper. »

Elle t’aura légèrement foutu le cafard cette histoire de chat … mais franchement, en t’appliquant correctement à l’oublier, tu y arrives mine de rien plutôt rapidement. Faut dire que pour le coup, même si t’es pas du tout quelqu’un de douillet, ou de fragile, ou de très sensible à la douleur, là, t’as vraiment mal. T’as pensé à un hématome tout simple, au départ, parce que t’étais persuadée de pas avoir frapper si fort que ça, quand même. Pas au point de te briser les os disons mais … visiblement, si. M’enfin. T’as finalement réussi à trouver la boîte d’anti-douleur. Elle est juste beaucoup trop haute pour toi, mais le brun – plus grand que toi, quand même – te rejoins, et lui n’a aucun mal à mettre la main sur les comprimés. Tu soupires légèrement. « Mh … je suis juste petite, c’est rien, j’ai l’habitude de pas réussir à attraper les trucs. » Oui bon ça, c’était un peu l’histoire de ta vie, hein. Du coup, tu forces quand même un petit sourire tandis qu’il s’éloigne pour revenir quelques secondes plus tard avec un verre d’eau. Tu avales le comprimé rapidement, prenant une grande gorgée d’eau avant de souffler un grand coup. « Franchement … moi aussi. » Tu te voyais mal dire clairement que tu avais très mal, mais là, quand même, ça laissait peu de place au doute. D’ailleurs, tu le vois bien qui fixe ta main toute bleue pendant un instant, et il a l’air de s’inquiéter pour toi, et franchement … ça te touche. Ça fait quelque chose. Tu saurais pas dire quoi, mais, c’est particulier quoi.

« L-L’hôpital … ? » Ah. Manquait plus que ça. Pas d’infirmière. Personne à l’horizon depuis que vous étiez arrivés. C’est vrai que c’était inquiétant. C’est vrai que … si on se rangeait du côté de la raison, t’avais vraiment besoin que cette main soit vue et soignée par un professionnel. Tu soupires légèrement, cependant. Tu l’as déjà forcé, en quelques sortes, à perdre son temps pour t’emmener ici, et puis, quand il est là, devant toi … tu peux pas t’empêcher de repenser à la dernière fois. C’est presque un supplice, en fait, parce que idiote comme tu es, parfois, tu te rends compte que ton regard dévie sur ses lèvres. Oh c’est furtif. T’es sans doute très discrète, mais quand même. Tu te sens ridicule, surtout quand on voit ce qui s’est passé la dernière fois. Le truc ? C’est que t’y peux rien quoi. Alors … « … D’accord. » Bon. D’accord. « Ça vous dérange pas, vous êtes sûr ? Je voudrais pas … encore vous faire perdre votre temps. »

Il s’en fiche de perdre du temps, visiblement. Tu n’obtiens même pas de réponse à ta remarque … mais bon. Tant pis. Tant mieux, même, en réalité. C’est que finalement, t’as pas forcément envie de te lancer dans une discussion de ce genre, quoi. Du coup, tu te contentes juste de suivre le mouvement, et tu montes dans la voiture, et tu fais tout pour juste fixer la route. La tête légèrement appuyée sur la vitre, tandis que ta main sauve tiens fermement celle qui est blessée, tes yeux se perdent dans les paysages qui… défilent à toute allure. De temps en temps, tu oses un regard en direction de ton professeur, il te semble même que t’esquisses un sourire à un moment. Sans doute à cause de sa façon de conduire si nerveuse qui au final, va plutôt pas mal avec le personnage. Heureusement que t’es pas du genre craintive. T’es parfois un peu ballotter, à cause de sa manière de prendre les virages, mais ça va, tu supportes, disons. Par contre, est-ce que t’es à l’aise ? Mh. Pas forcément. Et c’est clairement pas à cause de sa façon de conduire, pas du tout, même.

La voiture se gare finalement, et il coupe le moteur et … et tu ne bouges pas. Tu ne fais que défaire ta ceinture, c’est tout. Tu t’efforces toujours de regarder droit devant toi, et tu sais qu’il n’a pas bougé non plus, en fait, tu pourrais presque sentir son regard sur toi. Tu le sais qu’il t’observe. Et c’est aussi pour ça que tu n’oses pas tourner la tête, parce que bon sang, t’as pas spécialement envie maintenant de croiser son regard. Vraiment, faut pas que tu joues à ça. Pas encore… Ouais. Sauf qu’au bout de quelques secondes à peine – qui te paraissent une éternité – tu sens ses doigts dans tes cheveux. Pas un mot. Alors évidemment, tu ne peux cette fois pas t’empêcher de tourner la tête et … Bon sang Amy. C’est pas croyable à quel point t’as juste envie de l’embrasser à nouveau. Tu sais pas pourquoi hein. Tu sais même pas pourquoi tu l’as fait, la première fois. Tu sais encore moins pourquoi t’as envie de recommencer malgré tout. C’est juste qu’il … t’attire. Sans doute sans le savoir. Mais tu peux pas. Et en un sens, ça te fait mal de te faire une raison. Mais tu peux pas. Vraiment pas. Alors, tout ce que tu oses, c’est lever la main, celle qui va bien pour venir toucher, effleurer la sienne, celle qui caresse tes cheveux. Tu te mets à chercher ses doigts, pour les mêler aux tiens, comme la dernière fois, mais tu abandonnes ça aussi. Tu cherches juste un contact … un tout petit contact. Rien qu’un seul. C’est pas trop demander, si ?

Franchement, tu sais pas ce que tu fais, hein ? Ouais. C’est bien ce que je pensais. Et tu sais pas non plus ce que tu veux, au fond, c’est ça le pire. C’est même pas clair, dans ta tête, parce que malgré tes heures et tes jours à y penser, y réfléchir plus ou moins sérieusement parfois, et bah … t’as toujours pas tes réponses. C’est vrai que ça te ressemble pas d’agir comme ça, Amy. T’es tellement solitaire, et la solitude, ça te va bien, habituellement. Alors qu’est-ce qui te prends, de chercher le contact ? Et surtout, bon sang, qu’est-ce qui te prends de chercher subitement autant de proximité … ? C’est ton professeur, t’arrêtes pas de répéter ce simple fait, et pourtant c’est comme si ça servait à rien. T’as quand même été jusqu’à l’embrasser … toi. Et depuis tout ça, c’est tellement le bordel dans ta tête. Tu serais presque honteuse d’avouer que depuis ce moment – catastrophique, mais bon – cet homme là n’a plus quitté tes pensées, que ce soit dans le bon ou le mauvais sens, d’ailleurs. Bah, oui. Evidemment t’as ragé. Evidemment, t’as ressenti de la colère, de l’incompréhension, voir de la rage. Forcément. C’est toi. C’est tout toi…

Et tu baisses les yeux. Et tu te laisses aller à un soupire. C’est à moitié du contentement, à moitié de la frustration. C’est aussi un peu d’incompréhension, parce que, sérieux, il te rend dingue. Ça avait été clair, la dernière fois, non ? Bon. Pas vraiment, en vrai, mais quand même, ça avait clairement ressembler à un rejet alors … Pourquoi ? Il aurait pu juste t’éviter. Ou simplement agir normalement, de prof à élève. Pourquoi il le faisait pas ? Pourquoi est-ce qu’il avait fallu qu’il te porte, pourquoi il continuait de passer ses doigts dans tes cheveux ? Et surtout … pourquoi est-ce qu’il te regardait comme ça ? C’était de sa faute. Sa faute si t’avais toutes ses pensées dans la tête. Sa faute ! Et un peu la tienne aussi, quand même. Regarde le, Amy. Quand tu redresses la tête, tu croises son regard, ses yeux, et tu t’y plonges, tu pourrais même t’y noyer. Il te sourit. Et c’est tout. Le silence est toujours là, il s’est installé. Plus un mot. Si toi, tu avais abandonné l’idée de trouver ses doigts, c’est finalement lui qui est venu trouver les tiens pour les entremêler avant de se penche sur toi, avant de se rapprocher pour venir poser ses lèvres sur les tiennes. Est-ce qu’il…venait vraiment de faire ça ? Pourquoi ? Ça résonne encore une fois, jusque, une toute petite fraction de seconde avant de disparaître totalement. T’as pas bougé, tu le repousseras pas. Evidemment que non. C’est ce que tu voulais. T’en crevais d’envie. Tellement d’ailleurs que t’as l’impression que ton cœur va imploser tant il bat fort. Le bon moment ? Alors c’était ça. La dernière fois, ça l’était juste pas. Du moins, t’essaies de convaincre de ça, ça t’évite de te poser trop de questions.

Tu te contentes de sourire. Il est apparu tout seul, ce sourire. Il est radieux, et ça, c’est inédit chez toi. « J’ai… je … » Bon. Visiblement, ça veut pas venir. Pas sortir. Alors tu te contentes de lever la main, oui, celle qui fait mal mais que t’as un peu possiblement oubliée, en fait. Et tes doigts douloureux viennent effleurer son visage toujours si proche du tien, ils glissent finalement et viennent agripper sa chemise. Et ça fait mal, bon sang, mais peu importe, tu tires légèrement pour l’attirer un peu et cette fois, c’est toi qui reviens les chercher ses lèvres. Vraiment, t’y penses depuis tout à l’heure, alors maintenant que t’y à goûter à nouveau … tu peux juste pas t’en empêcher. Merde Amy … tu t’étais juré de plus recommencer. D’ailleurs, quand tu recules, légèrement, tu baisses légèrement les yeux. « J’en avais…tellement envie. » Tu murmures, c'est à peine audible, mais en même temps, il est si proche...

Tu t’attendrais presque à ce que… ça vire au cauchemar, à nouveau. Au fond de toi, il y a encore cette petite voix qui hurle – même si elle est étouffée, actuellement – qui essaie de te rappeler encore et toujours ce qui s’est passé, la dernière fois. Tu crois comprendre que tu dois, ou plutôt que tu devrais être prudente, mais c’est à peine si tu l’écoutes. En fait, tu relèves les yeux. Tu oses l’observer, malgré la crainte de ce que tu pourrais y lire et … et en réalité, son regard te submerge. Totalement. Comme une vague puissante, elle emporte tout sur son passage. Elle fait voler ce qui restait de tes barrières en éclats. Tu te sens rougir. Tu te sens ridicule. Actuellement, t’es sans doute comme une de ces filles, dans les animés, celles qui t’exaspèrent.

Tu ne bouges plus. Et puis tu te laisses faire, lorsque son bras passe autour de ton corps. Il t’attire à lui, tout contre lui. Tu trembles. Tu frissonnes. Comme fébrile. Et puis … tu lui souris. Toujours le même sourire, un sourire très nouveau pour la simple et bonne raison que ce que tu ressens actuellement, ce que tu ressens pour lui, tu ne l’as jamais ressenti avant, pour personne, jamais. « C’est promis. » Sans hésitation. Les promesses, c’est sacré, tu le sais bien, c’est pas un truc qu’on fait à la légère, mais là, tu sais, tu sens au fond de toi que tu pourras la tenir sans même y penser. Tu soupires légèrement … un soupire d’aise. De bien-être diront certains. Tu te sens bien. C’est tout. Alors tu lèves la main, et comme cette fois-là, comme ce jour-là, tu viens effleurer ses lèvres du bout des doigts tout en sachant que maintenant, c’était terminé. Fini. Tu ne pourrais probablement plus t’en passer …

Regarde-le. De toute façon, ce n’est pas comme si tu pouvais faire autrement, hein. Il te fixe. Il a capté ton regard, il ne le lâche plus. C’est bizarre, mais tu as l’impression qu’il est en train de lire en toi comme dans un livre ouvert. Ça pourrait être gênant. Mais ça ne l’est pas. Parce que oui, toi, tu as toujours du mal à exprimer tes sentiments. Parce que toi, tu n’es pas à Ava. Tu n’as pas autant de facilité qu’elle … elle est plus ouverte. Elle parle sans filtre. Parfois, tu l’envie. Mais tu es comme tu es, n’est-ce pas ? Secrète. Tu l’as toujours été. Ça se saurait si tu étais capable de t’exprimer sans difficultés. Du coup, qu’il lise. C’était plus simple comme ça, même si c’était sans doute un peu lâche.

Et encore un léger soupire.
Et puis cette question.

Qu’est-ce que … Qu’est-ce que tu peux répondre à ça ? Qu’est-ce que tu peux faire, maintenant ? Est-ce que tu t’es au moins déjà posé la question ? Sans doute. Oui. Mais c’est pas si simple. C’est même carrément difficile. Subitement, tu te sens comme prise au piège. Et tu as un instant de panique. C’est comme si tu te noyais, comme si tu avais le besoin soudainement de t’accrocher à quelque chose pour survivre. Tu te mords la lèvre inférieure. Oui. Probablement. Surement. Oui. Clairement. Oui. Pourquoi est-ce qu’il hanterait autant tes pensées, sinon ? Pourquoi tu aurais de telles réactions en sa présence, sinon ? Evidemment que oui. Du coup … tu te redresses légèrement, et tu te hisses à sa hauteur, tout doucement, tu passes tes bras derrière sa nuque pour venir l’embrasser à nouveau. Tu oses un peu plus. Juste quelques secondes avant de reculer légèrement. « Ça veut dire oui. » Tu t’étonnes toi-même de dire ça aussi … facilement. Vraiment. « Je t’aime. » …Tu … vous … tu … bon, c’est juste venu naturellement, tu supposes.

Ces mots, c’est sans doute la toute première fois que tu les prononces pour quelqu’un d’autre qu’un membre de ta famille. Tu le penses. C’est là, c’est ancré, et ça tu le sais. Tu le ressens … alors, quand il te répond qu’il t’aime, lui aussi, tu te sens légère. Si légère. Pour la première fois depuis si longtemps, tu te sens si calme, si apaisée. Mais voilà … ça ne dure pas bien longtemps. C’est furtif. Parce que, voilà qu’à nouveau tout bascule. Vous ne pouvez pas. C’est ce qu’il t’annonce, maintenant. Pourtant, tu l’as senti t’enlacer, ce baiser, il te l’a rendu. Pourtant, il est toujours là, tout contre toi. Tu sens toujours son parfum … pourtant … Il n’a pas le droit. Ton cœur se sert. Tu te mords l’intérieur de la joue. Tu les sens, ses doigts dans tes cheveux. Et … ça fait mal bon sang. Chacun de ses mots viennent s’enfoncer dans ta poitrine comme des lames mal aiguisées. Précieuse hein. Précieuse … Alors … « Pourquoi … ? » Tu le repousses. Tes mains viennent appuyer là, contre son torse que tu éloignes de toi. Tes larmes, tu n’as pas pu les retenir, elles inondent déjà ton visage et ça te mets en colère. Tu as si mal. Pourquoi ? Pourquoi cette question ? Pourquoi est-ce qu’il t’a poussée à le dire … à l’admettre si c’était pour te mettre face à un mur, finalement ? Tu l’aimes bon sang. Et à ce moment précis tu le détestes plus que tout au monde. Tu ne peux plus l’écouter, ni même le regarder. C’est tout bonnement au-dessus de tes forces alors … tu cherches la poignée pour ouvrir la portière, à la hâte. Avant d’imploser. T’as juste envie de hurler. De laisser sortir tout ça. Mais même ça, t’y arrives pas. « Je peux pas. » Et tu finis par la trouver, cette maudite poignée, et tu ouvres la portière … et bon sang, t’as envie de lui dire de ne plus t’approcher, plus jamais, t’as envie de lui hurler à quel point tu le hais. Mais ça ne vient pas. Ça sort pas. Parce que tu sais que c’est pas la vérité … Du coup, tu te contentes de fuir, de claquer cette maudite portière de toutes tes forces et de t’éloigner, lamentablement.