Malgré certaines mauvaises langues qui ne comprenaient pas mes méthodes d'enseignement, ou certaines infirmières qui aimaient me faire la morale dans les couloirs, j'avais franchement à coeur la réussite de mes élèves. Même, je n'avais pas à coeur leur réussite académique, mais bien leur réussite en tant qu'individus, que membres de la société. Je souhaitais ouvrir leur perspective sur le monde, mettre à l'épreuve leurs idées préconçues et donner une nouvelle dimension à leurs études, à leur travail. C'est pour cela que je me trouvais, en ce jour où je n'avais pas de cours à dispenser, dans le pavillon des sciences humaines. Parfois, il ne suffisait pas de comprendre les lois, il était bon de savoir pour quoi et, surtout, pour qui on les appliquait.

Il était facile, dans le droit, d'avoir une vision très arrêtée des choses. Les gens qui défendent la loi sont les gentils et ceux qui les enfreignent sont les méchants. À partir de là la question qui se posait souvent était : mais comment un avocat peut-il défendre un criminel ? Comment peut-on dormir la nuit après ça ? Une question qui, à mon sens, n'avait pas lieu d'être. Il ne revenait pas à l'avocat de passer jugement, seulement de s'assurer que les droits de l'accusé n'avaient pas été bafoués et ce à aucune étape du processus. Tel était le véritable travail d'un avocat. Cette simple réponse, toutefois, ne suffisait pas à tous. J'avais donc dans l'idée de demander l'assistance d'un professeur de criminologie pour préparer un petit cours spécial à mes élèves, expliquant les situations pouvant mener à des actes criminels. Je ne voulais pas là excuser le comportement des criminels, mais leur permettre de comprendre que parfois, dans la vie, certains individus s'étaient retrouvés dans des situations moins que favorables et que le sort les avait poussé à croire qu'il n'y avait pas d'autres alternatives.

Enfin, trêve de monologue intérieur. Où était donc le bureau de ce criminologue ? Mains dans les poches, c'est d'un pas confiant que je parcourais les couloirs, offrant des sourires aux demoiselles qui me regardaient passer avec curiosité. J'étais trop vieux pour être un élève, mais je n'étais pas non plus prof dans ce bâtiment. Je devais faire tache à n'en pas douter.