Faim. Bon sang, ce qu’il pouvait avoir faim. Mais c’était pas surprenant, en fait, Miles avait pratiquement toujours faim, c’était fou. Parait-il qu’il avait une mauvaise manière de gérer ses repas. Pas de petit-déjeuner, il mangeait un truc trop sucré, pas du tout consistant au beau milieu de la matinée, avant de se jeter sur un truc rapide le midi, de grignoter l’après-midi, d’ingurgiter un truc trop gras le soir, et picorer dans son lit. Miles était du genre chaotique. Miles ne savait en réalité pas tellement se gérer tout seul, mais, c’était pas vraiment de sa faute. Personne ne pouvait lui en vouloir. On ne lui avait jamais montrer comment faire pour toutes ces choses. Personne. Il faisait comme il pouvait. Il mangeait parce qu’il savait qu’il le fallait, et quand il ressentait la faim – environ dix fois par jours – il fallait qu’il mange. Un truc. Peu importe quoi. Souvent n’importe quoi, en fait.

Quand il en avait le temps, et la motivation, aussi, le jeune homme avait pris cette habitude d’aller en ville, histoire de dévaliser les rayons des sucreries, celui des snacks aussi, et souvent pour finir, celui des boissons ultra sucrées. Il ne pouvait pas s’en empêcher, et comme un idiot, il se chargeait toujours comme un dromadaire tout en sachant pourtant qu’après ça, il lui fallait encore se taper tout le chemin du retour à pieds. Il avait pensé à passer son permis. Il avait l’âge. Il avait l’argent aussi. Le truc, c’est qu’il était bien incapable de se concentrer sur une chose en particulier, ou si, mais ça ne durait jamais bien longtemps, c’était ça le hic. Du coup, il continuait à endurer la marche. A endurer le sac plastique qui lui découpe les doigts, les arrêts toutes les deux minutes pour soulager ses bras, changer de main. Il assumait, quoi. Du moins d’habitude. Parce qu’aujourd’hui, pas trop. Il était venu en catastrophe, aujourd’hui, et quand il était rentré – en retard – il était déjà l’heure du repas. Miles s’était donc pressé, supportant la douleur dans sa main, courant pratiquement pour atteindre la cafétéria. Là en entrant le sac en plastique avait eu la bonne idée de se déchirer, déjà entamé par l’emballage d’une sucrerie. Il n’avait pas fait attention … et finalement, voilà qu’il se retrouvait planté, à l’entrée de la cafèt qui n’allait pas tarder à se remplir, ses cochonneries et ses canettes étalées sur le sol, certaines en train de rouler un peu partout et de s’enfuir, provoquant un immense sentiment de détresse chez leur nouveau propriétaire.

C’était la honte, punaise. Vraiment trop la honte. Le pire, c’est que voilà qu’il se retrouve planté, immobile. Il a bien l’air con, Miles. Tout ce qu’il trouve à faire, sur l’instant, c’est lever le sac en plastique détruit et constater les dégâts. Oui. Y’a un trou quoi. Ah, et une barre chocolatée encore bloquée à l’intérieur. C’est bien sa veine. Pourquoi y’avait jamais rien qui se passait comme prévu, avec lui, sérieux ? Dépité, il fait un pas ou deux. Il observe l’étendue de la catastrophe. Y’en a partout bon sang. Y’a même une canette qui a roulé jusqu’à l’autre bout, il la voit de là où il est là. Sauf que quand il se met enfin en tête de ramasser tout son bazar, et d’ignorer un peu le regard des autres, déjà présents dans la cafétaria, voilà que la porte s’ouvre derrière lui. Quelqu’un entre. Quelqu’un qui manque tout simplement de chuter à cause de lui, et de son bordel par terre. Une fille. Elle échappe de peu à la chute, et elle se rattrape à lui, lui qui sous la surprise manque de tomber avec elle, mais qui finalement, se contente de l’entourer de ses bras dans un réflexe … sans doute stupide. Il la relâche aussitôt. Il recule, en panique. Il écrase un biscuit, dans son emballage, dans sa précipitation. « J-Je … Non. Non, non c’est moi qui … est-ce que tout va bien ? » … Il panique pour un rien Miles. Il s’inquiète pour tout. C’est fou. Le pire, c’est qu’elle va bien. Ça se voit. Il ne sait pas qui c’est, mais elle va bien. D’ailleurs, elle réagit bien plus vite que lui, vu qu’elle est déjà en train de ramasser son bordel, lui, le sien, à lui. « Gênant oui ! » Oui très gênant. C’était pas des manières, ça, sérieusement. « A-Attends, t’es pas obligée de faire ça je peux me débrouiller. » Et ni une, ni deux, voilà qu’il se jette à genoux à côté d’elle, pour ramasser tout ça. Il rassemble tout en un petit tas … dont il finalement il ne sait pas trop quoi faire, parce qu’il a même plus de sac pour tout ranger.

D’accord. Il est pas super doué, Miles. Il rassemble, il rassemble. Il stresse, parce qu’il les sent les regards posés sur son dos. Il sait qu’on l’observe. Qu’on le juge. Ils doivent tous penser qu’il est débile. Que c’est un crétin. C’est faux, c’est totalement faux. Il sait que c’est hâtif, qu’il ne connait personne, et il devrait s’en fiche, mais Miles, il a un gros soucis avec ça. Le regard des autres, leurs avis, c’est pesant pour lui. C’est lourd. C’est toujours beaucoup trop lourd pour ses épaules. Alors il panique, un peu. Oui. Il fait n’importe quoi et ses gestes sont chaotiques. A tel point qu’il réussi à envoyer un petit paquet de chips par-dessus son épaule, jusqu’à une table non loin. A côté de lui, cette fille semble tellement calme. Elle a l’air de s’en fiche des gens, des murmures, des regards. Du coup, ça l’incite un peu à se calmer. Surtout quand elle remarque son pitoyable tas de nourriture sur le sol et qu’elle attrape son sac à main. Elle l’ouvre, elle décale ses affaires, elle lui met sous le nez … elle est gentille. Vraiment adorable. Lui, il a pas d’autre sac avec lui. Il a pas un seul cours aujourd’hui, il a pas ses affaires, alors, elle a pas idée d’à quel point elle le dépanne, même si bon sang, ça le gène, un peu. « T’es sûre que … » Elle a l’air sûre d’elle en tout cas. Et de toutes façons, c’était pas vraiment le moment de discuter, si ? Non, pas du tout. Il voulait juste en finir avec tout ça … cesser d’avoir honte de sa bêtise et de s’afficher, de se donner en spectacle en quelques sortes. Du coup, il s’empresse de tout balancer dans son sac. Il le rempli, quasiment, et il attrape ce qui reste entre ses mains, les trucs les plus gros, les plus lourds, quoi, il garde, il veut pas non plus qu’elle porte tout ça à sa place. « Désolé … tout le monde nous regarde, c’est un peu la honte. Je voulais pas … t’aurais pas du te mêler de ça. C’est de me faute. » Se coller la honte c’était une chose, en vrai, il avait l’habitude, des conneries, il en faisait assez souvent. Mais mêler à quelqu’un d’inconnu à tout ça, il aimait vraiment pas.

Et il s’excuse, encore et encore, et il a sans doute encore plus l’air idiot, comme ça. Il devrait tellement faire comme elle, et ignorer, tout simplement. Se faire une raison, et ne pas se laisser toucher, mais c’est plus fort que lui, c’est carrément psychologique, pathologique. C’est son gros défaut, son virus à lui. Il ne sait pas passer outre. Alors, il est là, devant cette fille qui a l’air d’être gentille … il est droit, tenant ses canettes avec un bras. La pauvre, il a l’air tellement pitoyable. Mais elle, elle ne lui dit rien. Elle n’ajoute rien à ce sujet, comme si elle avait compris que le sujet était sensible. Elle referme son sac, l’installe sur son épaule et comme si elle connaissait Miles depuis toujours, elle vient passer son bras dans le sien, et elle l’entraîne. Elle veut lui offrir un sandwich. C’est vrai qu’il a faim. C’est pour ça qu’il était venu ici, à la base. Pour manger un truc avant d’aller ranger tout son bordel à la résidence.

Du coup, voilà qu’il se laisse emporter. Il sourit même, parce qu’elle, elle se laisse pas abattre. Elle garde le sourire. Elle reste joyeuse. Et c’est super communicatif. « D’accord ! » Il accepte … mais subitement, il se sent encore plus honteux. « Non attends, c’est à moi de te l’offrir. Tu m’as aidé, je veux vraiment te remercier. » Il le voulait. Sincèrement. D’autres étaient entrés dans la cafétéria, entre temps, et personne n’avait pris la peine de lui filer un coup de main, ou de lui rapporter un snack égaré. « J’insiste. S’il te plait ? »

Son regard se pose sur le sac de la demoiselle. Il allait pas la laisser se balader avec ça toute la journée. Elle lui avait proposer d’aller déposer ça. Mais bon. « Ça … ça te dérange pas de m’accompagner pour tout ranger, c’est vrai ? » Au pire, il allait se débrouiller, tout porter. Il pouvait retirer son sweat et bidouiller, quoi. C’était pas totalement exclu, même si ça promettait d’être sans doute un peu chiant. « Je loge à la résidence du Galet Blanc. Alors … » Il l’observe un instant. Il guette une réaction. Et puis soudainement, il se souvient qu’il a oublié un truc important. « Moi c’est Miles, et toi ? »

Ok. Elle avait accepté, et franchement, Miles se sentait plus que soulagé. Il n’avait pas particulièrement envie de continuer de passer pour un idiot, ou un assisté. Il savait se conduire en société, normalement. Il avait juste été pris au dépourvu, c’était pas de sa faute. Elle lui sourit. Visiblement, ça lui fait plutôt plaisir, non ? On va dire qu’il part de ce principe. Il se laisse emporter, emmener jusque dans la file d’étudiant et là, seulement, elle le lâche avant de lui tendre la main. Lorelia. C’est son prénom. Et coïncidence ou coup de chance, elle vit aussi au galet blanc. Mieux. Elle vit carrément au même étage que lui ce qui évidemment, ne tarde pas à le faire réagir. « Troisième ? Je suis aussi au troisième étage. » Il la laisse commander un sandwich et une bouteille d’eau, et juste après elle, il commande un plus gros format au poulet, avec un soda. Pas du tout le même style. C’est lui paye le tout, comme prévu, et cette fois, c’est lui qui pose timidement sa main sur son bras pour l’entraîner hors de la file. Il est déjà en train de chercher une table, une place, un endroit au calme, pour qu’ils puissent s’installer et manger tranquillement. « T’es à quel numéro, toi ? » Il ne l’avait jamais vue. Il était persuadé qu’il s’en rappellerait si c’était le cas … elle était plutôt jolie, et les yeux de Miles étaient toujours attirés par les jolies choses.

Il repère finalement une place quand une fille seule récupère ses affaires et sort de la cafétéria. « Oh, là-bas, ça te convient ? » Il s’avance déjà, de crainte qu’on ne leur dérobe la place sous le nez … ça allait vite, ici.

307. Miles a un moment de flottement … quelques secondes à peine durant lesquelles il reste tout bonnement figé, pensif. Il était au 306, lui. Pas loin de l’escalier, non plus. Et ça, en fait, ça voulait dire que Lorelia était sa voisine de chambrée à la résidence. Encore une fois, il s’étonne de ne jamais l’avoir vue, croisée. Mais finalement, il hausse distraitement les épaules. Peut-être qu’ils n’avaient tout simplement pas les mêmes horaires. Mouais, bon. Toujours est-il que la table semble le convenir, du coup, Miles va y déposer son sandwich, son soda, et tout le reste de son bordel, avant de se laisser lourdement tomber sur une chaise. Elle était parfaitement inconfortable, mais bon sang, ce que ça faisait du bien de s’asseoir tranquillement après tout ça ! Il soupire de contentement, avant d’ouvrir sa canette pour finalement relever les yeux vers Lorelia. Elle l’observe. Un regard intense qui le met très légèrement mal à l’aise, parce qu’il a vraiment pas l’habitude.

Bien vite, elle se met à lui poser tout un tas de questions à son sujet. Il sourit. Il est plutôt heureux qu’on s’intéresse à lui, en vérité, parce que malgré sa grande ouverture d’esprit, et sa tendance à vouloir aller vers les autres, Miles, il a toujours eu un mal de chien à ses faire des amis. « Tu sais qu’on est voisins ? » Finit-il par dire. Ça n’a rien à voir avec tout ce qu’elle vient de lui demander, mais il a envie de le souligner. « Je suis au 306. » Il continue de lui sourire, tout en déballant rapidement son sandwich, avant d’avaler une longue gorgée de son soda bien frais. Marcher autant, ça lui avait donner soif. « Info com, sinon. Même si je sais pas trop ce que je veux réellement faire après. » Un choix un peu hasardeux, il l’avouait volontiers. Mais bon, c’était toujours mieux que de ne rien faire du tout, enfin il supposait. « Oh t’en fais pas c’est souvent comme ça. J’ai l’habitude. » C’est vrai que lui, il allait vers tout le monde ou presque, même les gens les plus bizarres, sans jugement, il s’en foutait. Par contre, personne ne venait jamais vers lui, ou presque. Disons que c’était vachement rare. « Oui … je suppose. J’aime bien le chocolat. Et le caramel aussi. Mais en vrai, je suis plutôt salé. » Il vient alors généreusement croquer dans son sandwich. En plus d’avoir super soif, il a super faim, aussi. Il mâchonne un moment, puis il boit. « … non j’ai pas de copine. » Qui voudrait de lui ? « Et toi t’as un copain ? Ou une copine ? Je sais pas … » Ouais, après tout, il ne connaissait pas ses goûts personnels. D’ailleurs, il se demandait même pourquoi il lui avait retourné la question. Ça le regardait pas, si ? « Non, je fréquente pas les clubs, j’ai un petit boulot qui me prends pas mal de temps, et puis ça me dit rien. » Dés qu’il avait un moment, il allait chez le vieux bonhomme. « Et toi, tu fais quoi ? Je t’ai jamais vu avant, parce que je le saurais si je t’avais déjà croisée, t’es plutôt jolie alors je … ouais voilà quoi. » Hum. Ouais, t’as encore parler plus vite que ta pensée. « Bref. »

Il sait même pas ce qu’il fou. Et encore moins ce qu’il dit, en fait. C’est du grand Miles, ça. Il pense en même temps qu’il parle, du coup, y’a juste des moments comme ça où il est sans filtre. Et où c’est particulièrement gênant. Elle est jolie. Bien sûr qu’elle est jolie. Il le pense. Mais honnêtement, il ne voulait pas le dire. Il était presque sûr que ça se faisait pas, ce genre de truc, surtout quand on ne connaissait pas du tout la personne en face. Mais bon. Tant pis. C’était dit. C’était un compliment quoi. En plus, elle n’avait pas eu l’air de mal le prendre, bien au contraire. Elle rougit, et fatalement, ça la rend encore plus mignonne. Elle gênée, elle évite soigneusement son regard, elle regarde ailleurs, du coup, il fait pareil et clairement là, ils ont sans doute l’air de deux gros boulets. Lui, il évite de parler. On ne sait jamais, des fois qu’il aurait dans l’idée soudaine de lui dire que ses joues roses étaient adorables, ou que son sourire était vraiment beau lui aussi … Et c’était même pas de la drague. Non. Il ne savait pas faire ça, il était juste profondément gentil. Et pas avare en compliments, quoi. « Pourquoi une catastrophe, t’aime pas ça ? »  Oh, il ne jugeait pas. Une erreur. Se tromper de filière, ça arrivait. Il suffisait d’en changer à un moment donné et c’était tout bon. Lui-même ne savait pas trop ce qu’il foutait en info com, parfois. Il était passionné par le journalisme, ça avait semblé être ce qu’il y avait de plus proche alors il avait foncé, pour faire un truc quoi. Il se laissait un peu porter, mais il essayait quand même d’être studieux et concentré sur ses études. Il n’était pas excellent. Mais pas totalement nul non plus. Moyen. Ça passait tout juste, et ça lui suffisait. « Oh, je bosse chez un vieux monsieur. Je l’aide pour les courses, le rangement, un peu le nettoyage … Je lui tiens compagnie quoi. » Certains trouvaient ça ennuyeux, mais pas lui. Fallait dire qu’il avait bien choisi la personne – bon de base, c’était un total hasard – puisqu’il avait été journaliste, et qu’il avait encore toute sa tête. Du coup, il lui apprenait énormément de choses, étant donné qu’il continuait d’adorer le métier qu’il avait exercer durant des années. « Un vieux journaliste, il est super sympa. » Il croque avidement dans son sandwich. Il avait vraiment faim…il fallait qu’il mange. « Oh, tu danses ? Ici, à la fac ? Quel genre de danse ? »

Il finit par regarder l’heure sur l’écran de son téléphone. Ils avaient le temps, normalement, sauf si elle avait des cours de prévus assez tôt, évidemment. « Tu reprends quand les cours ? Je voudrais pas bousculer ton emploi du temps avec cette histoire de truc à ramener à la résidence. » Lui, avait pas cours avant la fin de la journée, alors ça allait. « Si t’as le temps, on peut y aller après le repas … enfin si tu veux. Je pourrais te montrer ma chambre, tu voulais la voir, du coup. » Bon, c’était vraiment pas impressionnant. Et puis, il avait dû laisser son bureau en bordel. Mais c’était pas si important, si ?

« Il l’est. » Qu’il répond, quand elle lui parle du monsieur chez lequel il bosse. Il l’aimait beaucoup. Il avait eu de la chance de tomber sur lui. D’ailleurs, il était passé par des annonces que le bonhomme avait postées lui-même. Il n’avait pas voulu passer par une agence, ou une structure. Il avait toujours eu peur, selon ses propres termes, de se retrouver à jouer à la belote avec une quarantenaire frustrée et blasée de son boulot, tout autant que de son existence. Enfin bref. Lorelia était déjà passé autre chose, donc bon. Elle parlait beaucoup, et surtout, elle parlait vite. Elle enchaînait plusieurs sujets dans une même phrase, il l’avait remarqué, depuis qu’ils avaient commencés à discuter. Ça ne le dérangeait pas. Miles savait s’adapter aux autres. Et puis au-delà de ça, elle était vraiment gentille. Alors il l’écoutant, tout en terminant son sandwich, tandis qu’elle parlait de sa tendance à être à l’ouest pendant les cours, puis de ses cours de danse, du genre de danses qu’elle pratiquait aussi. Miles n’y connaissait pas grand-chose, mais il nota quand même qu’elle avait l’air sacrément passionnée par ce qu’elle racontait.

Finalement ? Elle voulait bien venir avec lui, parce qu’elle avait de toutes façons des affaires à récupérer dans sa propre chambre. Ça tombait bien, du coup. Du coup, il lui sourit, autant ravi de pouvoir aller déposer son bordel, que de passer un peu de temps avec quelqu’un. Il vient boire un peu, dans sa bouteille, et puis, il remarque enfin qu’elle le fixe. Quand le compliment tombe, il ne sait plus vraiment où se mettre … vraiment. Il se met à rougir. Il manque même de recracher l’eau qu’il a dans la bouche, mais il parvient à contrôler ça, par miracle. « Bah euh ah. » Voilà. Mais ça, c’était prévisible. « Je veux dire, merci, mais… bah. Tu le penses ? » … sans doute, sinon elle ne l’aurait pas dit. Voilà qu’il passait sans doute pour un idiot. Tout gêné. Tout rouge, vraiment rouge aussi. Une vraie tomate. C’était pas tous les jours qu’il avait ce genre de compliments, surtout pas d’une fille aussi jolie qu’elle. « On me l’avait jamais dit, en fait. » Il ramène sa bouteille à lui, chiffonnant l’emballage de son sandwich, avant de le jeter dans la poubelle, derrière lui. Il essayait de se donner un genre, une espèce de contenance, truc dans le genre, mais il était toujours aussi gêné. Sans doute un peu touché, aussi. Et il finit par lui sourire à nouveau. « Bah comme ça on fait la paire je suppose … » Hum. Bon. Ouais. « T’es belle, t’as dis que j’étais beau donc… la paire. Tu vois ? » Ok. Il était l’heure qu’il se taise. Vraiment. « T’as fini ? On y va ? Il commence à y avoir beaucoup de monde ici, on étouffe. » Ouais … ouais. Ahem, hein.

Elle le pense.
Bon. D’accord.
En fait, ça le gêne un peu … c’est vrai qu’il est mignon, Miles, mais jamais d’après ses souvenirs on ne lui a dit ce genre de choses aussi directement. Lui n’est pas avare en compliment, parfois, c’est même un peu trop. Il pourrait donner l’impression de vouloir quelque chose, surtout quand il dit à une fille qu’elle est vraiment jolie, comme avec Lorelia, mais c’est juste qu’il est gentil. Il est doux. Il aime provoquer les sourires. Ça s’arrête là. Du coup, son compliment à elle le déstabilise un peu. A un point ou il se met à dire des choses encore plus gênantes. S’il avait été assez attentif, à ce moment, il aurait clairement vu que la jolie blonde avait rougit de plus belle. Mais il était sans doute trop occupé à fuir la cafétéria, en réalité. Fuir les regards parfois insistants qui s’étaient posés sur lui, ou plutôt sur eux. Pourquoi ? Il n’en savait rien. C’était pourtant bien une faculté, non ? Personne n’avait jamais vu une fille et un garçon déjeuner ensemble en discutant ? Et même s’ils étaient en train de flirter – ce qui n’était pas le cas, n’est-ce pas ? – en quoi était-ce si intéressant, ou alors dérangeant pour tous ces gens ? Le brun l’ignorait. Mais comme toujours, il supportait mal d’être observé, et surtout jugé.

La jeune femme va jeter quelques déchets, et lui, il ne bouge pas, il l’attend jusqu’à ce qu’elle revienne vers lui en vitesse, pour de nouveau venir capturer son bras et l’entraîner avec elle. Ils sortent de la cafétéria, et Miles souffle légèrement lorsqu’ils sont enfin de nouveau à l’extérieur. Il se laisse guider, elle a pris la direction du Galet Blanc. « Dis Lorelia… » Ça l’a intrigué tous ces regards. Et puis, elle avait tellement l’air de tout ignorer, comme si en quelque sorte, elle avait une carapace sur le dos. Comme si elle avait l’habitude, donc. « Tu sais pourquoi ils nous fixaient tous comme ça, tout à l’heure ? » Elle n’est pas obligée de lui répondre, évidemment. Il pose la question, comme ça, par curiosité, mais en réalité elle peut bien changer de sujet, ou simplement lui dire qu’elle ne veut pas parler de ça, peu importe, Miles n’insistera pas. « Si tu veux … je t’accompagnerais à ton cours de danse tout à l’heure. »

Ça l’intéresse, Miles. Il veut savoir. En un sens, il se doute un peu que ce n’est pas forcément lui qui intéresse autant les autres. Il ne connait pratiquement personne. Il commence à se demander si c’est pas elle, l’objet de ces regards insistants, et il se met même pendant un court instant à s’imaginer que c’est peut-être une fille populaire, quelque chose comme ça. Peut-être que sans le savoir, il a provoqué la jalousie ? Non. C’était totalement ridicule. Elle serait entourée, si elle était populaire. Et il en a bien vite la confirmation… Il est tellement surpris parce ce qu’il vient d’entendre, que subitement, il s’arrête. Elle dit ça sur un ton tellement détaché. Elle va jusqu’à lui sourire, et ça contraste énormément avec ce qu’elle vient de lui rapporter. « Mais … c’est méchant. » Oui, bon. C’était naïf comme réaction un peu. Tout le monde n’était pas gentil avec tout le monde, mais quand même. Elle était si mignonne, cette fille-là. Fallait voir, toute souriante, accrochée à son bras. Comme heureuse, au final, de passer du temps avec quelqu’un. Il comprenait mieux, maintenant. Et il se félicitait de lui avoir proposer de l’accompagner à son cours de danse, ensuite. Il avait bien envie de lui prouver que lui, il se fichait totalement de ce que les autres pensaient. Il détestait ce genre de rumeurs, de ragots, ces réputations que l’on venait coller sur le dos des gens juste par plaisir de faire le mal.

« Bien sur que je vais le faire ! » Maintenant, elle avait envie de danser pour lui … et ça le fait de nouveau rougir, tandis qu’il se remet à marcher, Lorelia toujours accrochée à son bras. Finalement, il se fiche bien de perdre du temps, il n’a rien d’autre à faire, et il est pas super motivé pour bosser aujourd’hui. En fait, maintenant qu’elle lui a parler de tout ça – et ce même si elle semble s’en ficher totalement – il a envie de continuer de faire sourire Lorelia. Tant qu’il arrive à le faire, quoi. « Alors je resterais jusqu’à la fin ! » Il sait même pas combien de temps ça dure, en vérité. Il ne demande pas non plus. Tant pis … une, deux, trois heures, il sera là. C’est tout.

Il presse un le pas. Et finalement, il pousse enfin la porte du Galet Blanc, se dirigeant vers l’ascenseur, parce que concrètement il a la flemme. Il appuie plusieurs fois sur le bouton, pourtant, il sait bien qu’une fois, c’est assez, mais c’est un vieux réflexe. Les portes s’ouvrent aussitôt en plus et il s’engouffre dans la cage, attirant la jeune femme avec lui, avant de s’appuyer contre une paroi, face au miroir dans lequel il l’observe elle.

Y’a que trois étages. C’est rapide, trois étages en ascenseur. Une minute, quelque chose comme ça, non ? Sans doute. Il est pas forcément à l’aise, faut dire qu’elle est vraiment proche de lui. Faut dire aussi qu’il peut pas trop s’empêcher de la regarder. De toutes façons, Miles, il sait pas s’y prendre avec les filles. Il fait tout au feeling depuis le début avec Lorelia. Il veut être gentil avec elle. Y’a tellement peu de monde avec qui ça passe aussi bien, vraiment. Alors il y tient, à ce genre de contacts, ce genre de rencontre qui présage que du bon. Peut-être qu’il a tort de jouer à ça ? Peut-être qu’il devrait pas être aussi avenant ? Il en sait rien. Il est un peu crétin, un peu bête quand ça concerne les relations humaines. Alors évidemment … il aurait jamais pu prévoir la suite.

Il la voit pourtant relever les yeux et regarder leur reflet, comme lui le fait. Et puis, il sent ses doigts qui viennent se mêler aux siens. Ça le dérange pas plus que ça, d’ailleurs, par réflexe, il sert légèrement ses doigts dans les siens tandis qu’elle vient se placer là, juste devant lui. Du coup, il a lâcher le miroir. Il la regarde elle, si proche de lui. Il fixe ses yeux, surtout. Elle s’est hissée sur la pointe des pieds … elle est si proche de lui que ça l’intimide énormément. Il ne sait pas trop ce qu’elle lui veut, jusqu’à ce qu’elle pose sa question. Et là. Il sait pas quoi répondre à ça … sur le moment, ça lui semble beaucoup, quand même. Mais Miles, il est insouciant, vous voyez. Alors, subitement il se met à sourire, et il lève sa main libre, pour replacer une mèche de ses cheveux blonds. Il peut pas la repousser. Il l’aime bien c’est tout. Il veut qu’elle continue de sourire. Et ça semble lui tenir à cœur alors … « Oui. Evidemment. Je serais là pour toi, à chaque fois que t’en auras besoin, et pour aussi longtemps que tu voudras. » Bordel, on dirait pas trop une déclaration d’amour enflammée ? Un peu si. Mais il y pense pas. Vraiment, pas une seconde ça lui vient en tête. « Tu peux compter sur moi, Lorelia, d’accord ? »

Mais … il est fou de dire des trucs comme ça hein. Et y’a sans doute une part de lui qui le sait. Mais c’est qu’une toute petite part seulement, parce que le reste de son cerveau, il a juste envie de faire plaisir à Lorelia. Il l’aime bien. Il la trouve jolie. Il la trouve joyeuse, et presque insouciante, un peu comme lui. Et puis Miles, il s’attache vite aussi. C’est une bonne chose, comme une mauvaise chose. Au moins, elle est contente. Il le sait, parce qu’elle vient de se jeter tout contre lui, et qu’elle le sert, fort. Elle reste comme ça un moment, et il vient passer ses bras autour d’elle. L’étreinte s’éternise un peu. Quand les portes s’ouvrent, ils sont toujours comme ça et elle ne bouge qu’après plusieurs longues secondes. Elle a pas lâcher sa main. Leurs doigts sont toujours entremêlés. C’est plutôt mignon, non ?

Et il hoche la tête. Et il la suit. Et puis, finalement, il sourit. Elle repose la question. Légèrement différemment mais quand même. Une promesse ? Il peut faire ça. C’est important les promesses, mais il sait qu’il sera pas du genre à la trahir. Du moins, il le pense, quoi. « C’est promis. » Et puis, c’est lui qui prend les devants, qui s’avance dans le couloir jusqu’à sa porte et toujours sans lâcher sa main, il attrape ses clés dans sa poche pour déverrouiller sa chambre, avant de la faire entrer, pour finalement la suivre. « Désolé, c’est pas forcément rangé mais bon … »

C’est juste légèrement le bazar. Miles est pas réellement du genre bordélique, c’est juste qu’il a une drôle de façon de ranger, quoi. Il aime bien avoir les choses à portée de main, ou simplement dans son champ de vision, alors il pose tout de façon un peu chaotique. Cela dit, personne vient jamais ici, alors d’habitude c’est pas forcément gênant. Sauf que là … il est pas seul. Il a pas envie de mauvaise impression. Il se gratte la nuque, et puis il dépose ses affaires sur le petit meuble, proche de la porte. Il verra ça plus tard, hein. Il rit légèrement, lorsqu’elle parle de squatter dans sa chambre. Au fond, même si elle a l’air de plaisanter, lui, il s’en fiche. Elle pouvait bien venir l’embêter quand elle en avait envie. Il aurait sans doute toujours un peu de temps à lui accorder. Il avait promis, non ? Il comptait vraiment la tenir sa promesse.

Elle se détache de lui, pour la première depuis un long moment d’ailleurs, si bien sur le coup, ça lui fait bizarre. Il l’observe. Elle va juste sortir ses petites courses de son sac, et elle pose tout dans le petit coin cuisine. Il ne la quitte pas vraiment des yeux. Il se contente d’aller s’asseoir sur son lit. Prenant naturellement ses aises et se détendant légèrement dans cet environnement qui lui est si familier, finalement. « Oh, bah, oui. » Il la fixe un instant. Un peu interrogateur. « Pourquoi ça ? T’as plus envie ? » Peut-être qu’elle avait changé d’avis … c’était son droit après tout, même si maintenant, il était curieux, il avait vraiment envie de la voir danser, vu qu’elle lui avait dit qu’elle aimait vraiment ça … « Si ça te gène c’est pas grave. On remet ça à plus tard mais … j’avoue que j’aimerais bien te voir danser. »